Le  talon  d'Achille

In my mind

 

 

Auteur : Missy

E-mail : melsa@caramail.com             

Date : octobre 1999

Archivage : N'importe où mais demandez-moi d'abord, please

Catégorie : Post épisode

Résumé : Retour de Lili et Da'an de leur petit périple dans les Appalaches.

Avertissement : G

Spoilers : Wrath of Achille - 01.16

Droits : Je confesse utiliser des personnages qui ne sont pas les miens, ils sont (à mon grand regret...) la propriété de Tribune Entertainment Company, Polygram Television et Gene Roddenberry. Je demande donc à tout ce petit monde de ne pas m'en vouloir et d'éviter de m'envoyer leurs avocats, je n'aurais rien à leur donner vu que je ne gagne pas un centime avec mon griffonnage perso tiré de leur (super) création originale. Merci à vous.

Note de l'auteur : Cette fanfic n'est pas le fruit du hasard, en effet, "Wrath of Achille" est de loin mon épisode préféré. Il regroupe de nombreuses choses qui en font mon favori : d'abord la présence de Boone (qui manque tellement aujourd'hui), l'attitude exemplaire de Sandoval, la remise en question par Augur de son "incommensurable" savoir, mais surtout et avant tout, c'est cette modification des rapports entre Lili et Da'an qui reste pour moi le point central de cet épisode là. J'ai du me repasser les trois dernières minutes de l'épisode au moins trois milliards de fois... Pour une fois, je reste persuadée que le titre français de l'épisode est nettement supérieur au titre original. Il signifie tellement plus à mes yeux…

 

Enjoy !

 

 

 

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Jamais je n'ai ressenti le moindre doute quant à mon activité au sein de la résistance, tout était parfaitement clair en moi, mes activités motivées, mes motivations sincères. Je n'arrivais pas à comprendre Boone quand il exprimait son refus de vouloir implanter ce virus au sein du vaisseau mère. Son attachement à Da'an, je veux dire, un attachement si complet qu'il m'inquiète parfois, ne peut être du qu'à son CVI malgré son altération. Combien de fois ai-je pu me féliciter d'avoir échappé à une telle prison… parce que pour moi, c'en est une, quelques soient les modifications qu'on ait pu y apporter. Quoi qu'il en soit, l'idée d'introduire un virus conçu par Augur me paraissait vraiment excellente. Elle nous apprendrait énormément sur la capacité réelle de défense du système taelon voire même pouvant nous conduire à un certain affaiblissement de leur mode de communication qui les conduirait à nous prendre réellement au sérieux.

 

Une fois le virus implanté, les dégâts ne se sont pas fait attendre. Comment imaginer que mon intervention allait finalement modifier complètement ma façon de percevoir la cause pour laquelle je me bâts, de me faire douter de moi-même ?

 

Les événements se sont enchaînés à une vitesse telle qu'Augur s'est rapidement vu dépassé, incapable d'avoir un contrôle quelconque sur sa création. Les ambassades se trouvaient contaminées les unes après les autres, le virus normalement localisé au système de communication s'est rapidement étendu à tous les autres systèmes. Pendant que Boone et Sandoval luttaient pour restituer l'ordre, je devais me débattre avec les problèmes techniques de la navette. C'est le crash qui a suivi qui m'a conduit à réviser ma façon de voir. Un taelon a sauvé ma vie par deux fois, tout d'abord en m'extirpant des décombres de l'appareil qui me retenait, puis en me protégeant du souffle infernal de l'explosion terrible qui a suivi. Jusqu'à ce jour, jamais je n'avais attribué de réelle personnalité à un taelon. Pour moi, ils n'étaient que des envahisseurs cherchant à tout prix à asservir une race technologiquement plus faible. Je détestais leur attitude parfois condescendante à notre égard. Je haïssais le pouvoir toujours plus grand qu'ils ont sur nous et cette fascination aveugle qu'on les gens à leur égard. Pourtant, à ma grande surprise, Da'an n'a pas hésité à faire face au danger pour sauver ma vie et une telle attitude de la part de celui dont je combattais la race m'a fait ressentir un réel malaise, une honte dont je ne peux me départir encore aujourd'hui.

 

Quand j'ai repris mes esprits, il m'avait prodigué quelques soins, entouré mes côtes d'un tissu curieux. L'idée de cet être inconnu curieux me touchant m'a gêné dans ma pudeur. Un pur réflexe de ma part je pense, mais qui a réveillé en moi le besoin de sortir de cette situation au plus vite. Pour un diplomate, son adaptation à la situation m'a réellement surprise. J'ai ressenti sa volonté de vouloir réellement connaître les humains, leurs habitudes, leur vie. Sa motivation semblait sincère. Il m'a parlé de certaines habitudes sur sa propre planète, de son contact permanent avec les siens, de leur crainte de se retrouver seul. Je me suis mise à envisager ce qu'il est possible de ressentir quand on se trouve à des milliers d'années-lumière de chez soi, au milieu d'une race, d'une civilisation dont on ne sait rien et dont on est si fondamentalement différent. Les taelons sont-ils capables de sentiments tels que l'absence ou la nostalgie ? J'ai éprouvé de la compassion pour lui, une sorte de reconnaissance aussi, non seulement pour m'avoir sauvée et soutenue mais aussi pour essayé aussi sincèrement de comprendre et s'intégrer parmi nous alors que rien ne l'y obligeait. Pour la première fois de ma carrière, de ma vie, j'ai laissé derrière moi des principes que je pensais inébranlables, j'ai remis en question ma façon de percevoir les événements : j'ai abandonné ce briquet qui permettait à mes camarades de lutte de nous retrouver, par là même, j'ai partiellement oublié ma devise "semper fidelis". Et ce, sans regrets.

 

Je ne remets pas en cause ma place au sein de la résistance, elle est nécessaire à la préservation de notre race tant que le dessein des taelons n'est pas clairement établi, leur but secret dévoilé et l'humanité définitivement à l'abri de leur manipulation. Aujourd'hui, cependant, je me met à envisager le fait que certains taelons puissent souhaiter protéger notre existence de certains abus commis par leurs congénères et qu'ils ne soient pas tous prêts à nous abuser pour atteindre leurs objectifs. Da'an est de ceux-là. Je le sais aujourd'hui.

 

A notre retour, les choses avaient repris leur place habituelle, comme si rien ne s'était passé, le calme était revenu. J'avais l'impression d'être la seule à avoir été marquée par l'événement. Comme si, après en avoir été l'une des seules responsables, je devais en être la seule à en ressentir les conséquences. J'étais perdue, je ne savais plus que penser. Ce n'est qu'à ce moment-là je pouvais comprendre la situation dans laquelle se trouve Boone. Il vit une sorte de double existence : d'un côté cette volonté de protéger Da'an, non seulement parce qu'il pourrait être utile à la résistance, mais aussi parce qu'il est différent des autres de par son mode de pensée et d'un autre côté cette obligation de voire au-delà d'un seul individu afin de faire primer le besoin de notre monde dans son ensemble face aux envahisseurs.

 

Nous avons été rapatriés sans le moindre problème par une navette que les soldats m'ont laissé appeler suite à l'intervention du vaisseau mère avant qu'ils ne disparaissent dans la forêt. Da'an a insisté de nouveau pour que des soins me soient prodigués au plus vite. L'appareil s'est posé devant l'hôpital le plus proche, quand j'ai été en état de voyager, quelques jours plus tard, j'ai insisté pour rentrer à Washington où je souhaitais reprendre ma vie au plus vite. A mon retour j'ai appris que trois jours de congés m'avaient été octroyés par Boone, bien que je sache pertinemment d'où provenaient les ordres. Trois jours... une éternité quand, comme moi, on est au travail perpétuellement. Cette inactivité forcée me pesait plus qu'elle ne me soulageait. Mon devoir, mes engagements, ma position au sein de la résistance, ma charge auprès des taelons, et maintenant cette impression d'avoir fait partiellement fausse route, d'avoir jugé peut-être certaines choses trop rapidement... tout cela tournait sans cesse dans ma tête.

 

Il n'y avait qu'une personne pour comprendre.

 

-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*

 

Quand je suis arrivée dans son bureau il semblait m'attendre. Il ne m'avait rendu aucune visite pendant mon court séjour à l'hôpital mais je ne lui en voulais pas, j'avais surtout besoin de tranquillité pour calmer mon agitation, ce tourment qu'il devait aussi connaître.

 

"Lili ? pas encore couchée ? Vous savez pourtant que vous devez vous ménager et prendre un repos bien mérité, je crois."

J'étais là et je ne savais plus quoi dire, par quoi commencer. Trouver une bonne excuse et rentrer ?

"Asseyez-vous et dites-le moi."

"Vous dire quoi ?" Je n'osais même pas le regarder en face.

"Ce pour quoi vous êtes venue, cette chose qui vous perturbe tellement depuis que vous êtes rentrée, qui vous empêche de dormir." Boone n'avait jamais pris de chemin détourné pour dire les choses, c'était d'ailleurs une des raisons qui me faisait avoir autant confiance en lui même si nos idées divergeaient parfois.

"Comment vous savez ?"

"Lili, il est trois heures du matin, vous n'êtes toujours pas couchée alors que, j'en suis persuadé, vous avez pris du somnifère, de plus, sans vouloir vous vexer, vous avez une tête plus horrible encore que le jour où on vous a ramené."

"Vous savez parler aux femmes, Commandeur Boone ! La flatterie ne vous mènera nulle part avec moi !" J'avais beau essayer de sourire, le cœur n'était pas vraiment à la plaisanterie. Je devais me lancer… "Boone, dites-moi, si vous deviez intenter une action visant à la victoire finale de la résistance comment concilieriez-vous votre engagement avec votre relation avec Da'an ?"

Etrangement, il ne semblait absolument pas étonné par la question.

"J'aime à croire que je saurais concilier les deux, que la survie de l'espèce humaine ne conduira pas forcément à la destruction des taelons mais seulement un départ sans que le nombre de pertes soit excessif, et ce, des deux côtés… qui sait, peut-être même une collaboration pour un but devenu commun."

"Vous avez été militaire, tout comme moi, croyez-vous encore que la diplomatie puisse être une solution ?"

"Lili, la réussite de la diplomatie ne dépend que d'une seule et unique chose : du diplomate. Croyez-vous que dans notre situation il existe aujourd'hui des diplomates doués de suffisamment de talent pour éviter la lutte ouverte ?"

Il y a encore quelque jour, le soldat qui est en moi aurait sans conteste nié cette solution : aucune solution amicale à trouver avec des êtres qui souhaiterai nous asservir pour atteindre des desseins confus sans nous consulter. Je sais qu'il en va différemment aujourd'hui car tous les envahisseurs n'ont pas des âmes de conquérants sans scrupules.

"Je pense qu'il en existe… mais je me demande s'il en existe des deux côtés…" Lui et moi savions pertinemment que Doors n'avaient jamais eu un caractère de conciliateur. Voilà une situation nettement retournée : celui dont je défendais les idéaux jusqu'à aujourd'hui n'était peut-être pas celui luttait le plus efficacement pour éviter le pire.

Boone s'approcha de moi, me pris la main et me regarda dans les yeux.

"Allez dormir, ne vous tourmentez plus et profitez, demain, de votre dernière journée de repos. Je doute que vous n'en ayez d'autres avant un certain temps, mais il ne faudrait pas que vous y preniez trop rapidement goût. Et c'est un ordre capitaine !" Le sourire qu'il arborait me soulageait, il était capable de concilier ses deux impératifs, il n'y avait aucune raison pour que je n'y arrive pas aussi.

"Bonne soirée… et sur vos conseils, je pense faire une grasse matinée mémorable demain matin, je doute que mon patron me donne une nouvelle occasion prochainement."

"Assurément !"

Je savais que maintenant je pourrais dormir.

 

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Cette conversation la veille avec Boone m'a permis d'avoir un sommeil enfin tranquille sans que ma conscience ne vienne me torturer à nouveau. Je sais  que dorénavant je devrais à mon tour apprendre à concilier ce qui pour moi était inconciliable, qu'il y a un juste milieu à chaque chose. J'adapterai mon attitude aux situations que je rencontrerai en temps voulu. Pour l'instant je suis décidée à me reposer, à récupérer pour reprendre le travail demain. Mais qui sait, c'est peut-être cette grasse matinée salutaire qui m'a rendu ma bonne humeur et ma confiance en moi, ça devait bien faire 6 mois qu'une telle opportunité ne m'avait pas été offerte. Il faudrait que je me fasse porter malade plus souvent…

 

En fin d'après-midi Boone m'a fait savoir que Da'an souhaitait me recevoir dans son bureau aux environs de 21 h 30. L'heure du rendez-vous me laissait présager qu'il n'était en rien question d'une affectation à une mission quelconque, de plus, les ordres auraient transité par Boone. Depuis notre retour il n'a jamais cherché à avoir de mes nouvelles… du moins pas directement auprès de moi. Se serait-il renseigné auprès de Boone ? Rien ne l'empêchait de prendre contact avec moi… Je me sens inquiète à l'idée de me retrouver en sa compagnie. Quelle attitude tenir ? Devrai-je conserver l'indifférence qui était la mienne à son égard avant tout ça ou au contraire lui faire comprendre que dorénavant je me sentais plus proche de lui et que j'avais apprécié de faire plus amplement sa connaissance ? De quoi voudrait-il que nous parlions ce soir ? S'il avait s'agit de Boone, Augur ou quiconque… d'humain… je pense que je saurais quelle attitude avoir : un bon verre dans un bar sympa, voire un dîner agréable… Mais là… Finalement, c'est le moment idéal pour mettre en pratique ma nouvelle résolution : s'adapter à la situation quand elle se présentera.

 

-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*

 

M'y voici, les bureaux semblent déserts, je sais pourtant que la sécurité, même invisible, est toujours présente et sur le qui-vive en cas d'urgence. Je n'ai pas souvent l'occasion d'arpenter ces couloirs après que les occupants qui vont et viennent constamment dans la journée, aient finalement évacué ces artères habituellement si grouillantes de vie. Le silence est presque oppressant. Me voici maintenant à l'entrée du bureau.


Lili Marquette

Journal personnel - 06 juin

 

Deux jours se sont passés depuis mon entretien avec Da'an et maintenant je pense avoir les idées claires. Durant les jours qui ont suivis l'accident de la navette, mon esprit semblait focalisé sur un choix qu'il me semblait devoir faire. Dorénavant, je sais qu'il n'y a pas de choix à faire, seulement des convictions à suivre. Je me refuse à croire, à suivre et à m'impliquer dans une lutte qui ne serait pas totalement la mienne. Ma formation militaire a perverti mon esprit, m'a conduit à accomplir des actes dictés par des personnes militant pour une idéologie que j'ai embrassé, sans jamais remettre en question la justesse de ces agissements. Il ordonnait, j'obéissais. Il m'était impossible de m'ériger contre la volonté de celui qui menait la croisade dans laquelle je m'étais engagée. Doors était mon commandant, je n'étais que son lieutenant. Ne jamais discuter les ordres, ne jamais contester ou réfléchir au pourquoi de mes actes... je n'ai jamais quitté l'armée.

Et moi qui me rebellais contre l'omnipotence et l'implacabilité de mon père, finalement, je n'ai fait que le remplacer par d'autres.

J'ai décidé d'arrêter de me faire manipuler.

 

Je sais que Da'an n'est pas l'ennemi. Il n'est que l'étranger. Il est taelon de part ses origines pourtant je suis intimement persuadée qu'il est bien plus humain que certains de mes semblables. Il se refusera à exploiter qui que ce soit pour parvenir à atteindre un objectif alors que je suis persuadée que Doors, quant à lui, serait capable d'écraser quiconque se mettrait en travers de son chemin et ce qu'il soit taelon ou humain. J'ai l'impression que mes yeux viennent de s'ouvrir.

 

Il est tellement différent de moi, de nous…A notre retour, il a voulu me faire part de sa reconnaissance pour ce qui était à ses yeux, une volonté inébranlable de ma part de le protéger… s'il savait…

J'ai vécu une expérience incroyable et sans commune mesure avec ce que j'ai pu connaître avant. Pendant quelques secondes j'ai été quelqu'un d'autre, j'ai vu ce qu'il voyait, ressentais ses émotions comme si elles étaient les miennes. J'ai été lui et il a été moi. 

 

Je me suis rendue à sa convocation. En arrivant dans son bureau il m'attendait, je n'ai pas vraiment souvenir de ce que l'on a pu se dire, probablement des civilités et des banalités sans intérêt… je me sentais si peu à mon aise. Brusquement il m'a assuré de n'avoir jamais partagé quelque chose d'aussi intense avec un humain depuis son arrivée. Ca m'a surprise, eu égard aux relations qu'il partage avec Boone. Et il a dit cette chose qui m'a vraiment prise au dépourvu : "Je souhaiterai infiniment que nous atteignions un autre niveau" C'est un concept que je ne comprenait pas, j'ignorais ce qu'il attendait de moi. Sa requête m'a passablement surprise. Il m'a expliqué que les taelons pouvaient concentrer l'essence de leur être en un seul point, qu'ils pouvaient transmettre leurs sentiments, leurs émotions. Il voulait partager cela avec moi, il suffisait pour moi de joindre ma main à la sienne. Qu'il ait une telle confiance en moi m'a vraiment troublé… mais je me sentais honteuse, c'était tout de même moi qui était à la source du problème initial, qui avait tenté de le détruire. Mais mon envie égoïste de me rapprocher de lui, de comprendre, fut la plus forte. Je voulais savoir.

J'ai joints ma main à la sienne ignorant ce qui allait se produire. Sa main était chaude, ça m'a étonné, j'ignore à quoi je m'attendais réellement mais ce tout premier contact physique avec un être venu d'ailleurs reste une expérience sans égale. Je l'ai vu reprendre sa forme initiale, abandonner cette apparence qu'il revêt tous les jours pour vivre au milieu de nous et redevenir celui qu'il était réellement. Une sorte de chaleur m'a envahi tout de suite, elle ne cessait de croître et de s'amplifier jusqu'à ce que je perde toute notion de ce qui m'entourait. J'ai ressenti une conscience pénétrer la mienne, me rejoindre et s'ouvrir à moi, un peu comme si nous étions deux à partager un même corps qui ne serait ni vraiment le mien ni vraiment le sien. Pendant que je le découvrais, je sentais qu'il s'insinuait en moi pour explorer mes propres souvenirs, émotions et pensées. Je savais que j'aurais pu l'arrêter mais je n'en avais pas envie. Je n'en ressentais aucune gène, n'était-il pas en train de faire la même chose pour moi ?

Puis, l'idée qu'il puisse découvrir ce que je dissimulais m'a fait peur. Certaines de mes activités ne devaient pas lui être dévoilées, beaucoup trop de choses étaient en jeu. Il a du ressentir ma réticence brutale car il s'est retiré et a cessé immédiatement de fouiller mon esprit pour m'accompagner dans ma découverte de lui.

 

Les taelons possèdent deux consciences : celle qu'ils partagent avec tous au sein de la communauté et une sorte de petit jardin secret, privé, qui renferme toutes leur émotions personnelles, leurs petits secrets, leur intimité en sorte. C'est cette petite partie de lui que Da'an m'a fait découvrir en premier lieu.. Elle est remplie d'une solitude incroyable et d'une sorte d'angoisse dont je n'ai pu déceler la source. J'y ai ressenti son amitié pour Boone, son attachement à l'humanité et une volonté sincère de nous connaître davantage. Il semble fasciné par tout ce que nous avons accompli, par notre mode de pensée et notre tempérament. Il semble stupéfait par la diversité qui existe en nous et sa curiosité semble sans limite. J'ai éprouvé le sentiment de reconnaissance qu'il a à mon égard. Je recevais l'ensemble de ces sensations d'un seul bloc, comme si elles formaient un tout. Afin que je perçoive encore mieux ce qu'il peut ressentir au quotidien, il a accepté de me faire connaître la communauté.

 

Je l'y ai rejoints et j'ai, pendant quelques infimes secondes, connu l'incommensurable plaisir que de faire partie d'un tout. J'ai perdu tout contrôle, l'intensité de la sensation est sans commune mesure avec quoi que ce soit, jamais je n'ai éprouvé une telle émotion et je doute qu'aucun être humain ait connu ça un jour. Cela dépasse tout ce qu'il est possible d'imaginer. J'avais l'impression d'être au bord du malaise, que mon cœur avait cessé de battre, que j'avais cessé d'exister pour me fondre complètement dans cette entité qui semblait avoir une vie propre. J'aurais voulu me dégager de mon entrave physique pour me perdre dans la sensation. J'ai ressenti cette impression d'être enfin… complète, comme si soudain on me rendait un bout de moi qui me manquait jusque là mais dont jamais je n'avais soupçonné l'absence. Je me sentais totalement libérée, il n'existait plus aucun doute, plus aucune crainte en moi. C'est un sentiment grisant et exitant qui empli tout à coup l'ensemble de votre être, une émotion dont on ne voudrait jamais qu'elle ne cesse. Là, il n'existe aucune barrière, seulement un sentiment d'appartenance à un tout, à une race…

 

Les taelons ne sont pas, comme je le croyais, des individus liés par la communauté, en fait, ils ont atteint un tel niveau de spiritualité qu'ils sont devenus des émanations de l'ensemble dotés d'une individualité qui en fait des êtres différents. Et c'est cette personnalité qui fait que Da'an est celui qu'il est, cette petite partie de lui qui me conduit à penser que tous les taelons ne sont pas des êtres dangereux dotés de mauvaises intentions. Comme chacun d'entre nous ils sont doués d'un libre arbitre. Ce sont justement les sentiments que Da'an possède à l'égard de l'humanité qui font de lui un être solitaire au sein de cette harmonie, car obligé de les conserver pour lui sous peine de se heurter à l'opinion générale. Quel isolement ce peut être que de réprimer des opinions qui vous tiennent réellement à cœur à ceux qui forment votre essence même.

 

Da'an m'a dit qu'il était possible que les taelons aient peur de se retrouver seul avec leurs pensées, c'est un concept que maintenant je peux percevoir et assimiler. Il ressort de la pensée commune une telle félicité, un tel sentiment de partage qu'il semble impossible de vouloir s'en écarter pour affronter seul des opinions personnelles qui peuvent mener à un conflit ouvert envers les siens. Finalement, n'est-ce pas le but premier de la communauté : refuser les pulsions originelles de l'être pour se reposer sur une perception uniforme et donc obligatoirement pacifique de la pensée ? Quoi qu'il en soit, même si je ne renoncerais jamais, pour rien au monde, à l'indépendance de l'esprit humain, j'en suis à envier une telle connexion. Vivre chaque jour entouré par le sentiment enivrant que tout un peuple est lié à vous par la pensée, que non seulement vous le savez, mais, qu'en plus, vous le ressentez physiquement...  Plus jamais seul…

 

Quand la sensation a cessé, j'hésitais encore à ouvrir les yeux et par là même à mettre fin à cette expérience inégalable. Je n'avais pas envie de me retrouver à nouveau face à cette réalité pleine de doutes, de peurs et d'incertitude. Pourtant, il a fallu que je reprenne mes esprits. Mon corps semblait, lui, ne pas être décidé à oublier les effets de cette union si particulière, il était parcouru de frissons et de légers tremblements comme le contrecoup d'une décharge électrique. Le regard pénétrant que Da'an posait sur moi n'avait rien pour me détendre. En fait, à ma grande surprise, il semblait partager avec moi l'émotion du moment, comme si notre union lui avait autant apporté qu'à moi. L'idée qu'il ait pu recevoir de moi, ne serait-ce qu'une partie de ce qu'il m'a donné, ne donnait que plus de valeur à ce qui venait d'arriver.

Je voulais le remercier mais j'ignorais quels mots je devais employer, rien ne me semblait être à la mesure de la gratitude que j'éprouvais pour son geste envers moi. Je pense qu'il a compris, il a penché la tête légèrement de côté comme je le vois faire si souvent et a posé sa main sur ma joue.

"Peut-être devriez-vous rentrer et aller vous reposer pour retrouver votre travail demain matin dans les meilleures conditions." Au sourire discret qu'il m'adressait, je n'avais aucun doute sur la sincérité de ses propos. "Oui, Da'an." Alors que je me retirais il a eu cette phrase curieuse qui a semblé le troubler encore plus que moi, comme s'il revivait un ancien souvenir : "Lili…puissiez-vous trouver la paix intérieure." Si j'ai souris en l'entendant m'appeler pour la première fois par mon nom de baptême, je me refuse encore à penser aux mots qui ont suivis. Peut-être plus tard…

 

 

J'ai partagé un moment exceptionnel avec un être qui l'est tout autant.

Il y a quelques jours encore mes objectifs étaient simples et clairs dans mon esprit ; mais qui a dit que la vérité résidait dans la simplicité ? Dorénavant, je sais que tout n'est pas noir ou blanc, qu'il faut savoir jouer avec les nuances de gris. L'expérience que j'ai vécu avec Da'an m'a ouvert les yeux, elle n'a rendu ma tâche et mon implication dans la résistance que plus difficile. En effet, jamais un soldat ne fraternise avec l'ennemi sous peine de trahison ; mais suis-en encore un soldat ? la guerre a-t-elle été déclarée ? et savons-nous réellement qui est l'ennemi ? Pour l'instant je ne suis qu'un membre de l'humanité résistant contre un risque de domination. Si le risque ne vient pas de Da'an, j'en suis persuadée, il n'en va pas de même pour la majorité des taelons.

 

Da'an pourrait être un allié très précieux dans l'avenir. Il est encore trop tôt pour le dire mais je sais qu'un jour viendra où il luttera à nos côté, un moment où il prendra réellement conscience que l'affrontement entre nos deux races serait un gachis sans nom. Dorénavent, l'avenir de l'humanité repose pour partie, sur les sentiments d'affection qu'un taelon peut ressentir envers les habitants d'une planète bleue située à une distance infinie du lieu qui l'a vu naitre. Il ne reste plus qu'à espérer qu'il sera capable d'abolir la barrière qui semble infranchissable entre nos deux races. C'est la perception qu'il a de notre espèce que Da'an devra faire passer au siens pour éviter le pire.

 

Ce n'est finalement peut-être pas moi qui mène le combat le plus difficile.

 

 

 

FIN.

 

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Qu'un ami véritable est une douce chose !

Il cherche vos besoins au font de votre cœur ;

Il vous épargne la pudeur

De les lui découvrir vous-même.

 

                    J. de la Fontaine

 

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Et ben voilà, c'est fini… Sachez cependant que rien n'est meilleur que de savoir que des personnes ont pu lire (et peut-être apprécier) ce qui vous a donné tant de mal pendant des journées, des nuits, des semaines complètes. J'en fais appel à vous, maintenant, envoyez un petit mot, ne serait-ce que pour dire que vous m'avez lu, et ce, que vous ayez aimé ou pas ! Tous les commentaires sont les bienvenus ! 

melsa@caramail.com

 

Je souhaiterai remercier mon assistante, Starfleet, qui a eu l'incommensurable patience de lire mes bouts de textes dans un ordre plutôt aléatoire, de corriger mes fautes et d'avoir su me motiver tout du long… Merci à toi, grande prêtresse du Petit-Robert !

 

Et maintenant, une mention spéciale pour Eslebed qui me permet de vivre EFC au quotidien grâce à ce forum grandiose bien que souvent très calme… vivement la saison 3 !